Avec la pandémie de covid-19 qui sévit présentement partout à travers le monde, cette dernière session fut marquée par un arrêt précipité de nos activités. L’année 2020 en sera une dont on se souviendra longtemps, et donc la cohorte 2020 au DEC en joaillerie restera longtemps marquée dans nos esprits. En plus d’avoir vu partir nos finissant.e.s avant l’heure, nous avons du reporter leur exposition DÉCHAINÉ.E.S, qui devait avoir lieu ce mois-ci. Elle se tiendra plutôt cet automne, du 25 au 30 novembre, à la Galerie le 1040. D’ici là, nous vous invitons à tous les découvrir, à travers leur démarche et certaines de leurs créations réalisées au cours de leur dernière année à l’ÉJM.
En effet, l’entièreté de la dernière année d’études étant orientée afin de préparer ces futurs artisan.e.s à lancer leur carrière, nos finissant.e.s ont eu l’occasion de créer des collections de bijoux réalisés en petite série à l’automne, lesquelles laissent entrevoir leur esthétique et leurs préoccupations de conception. Puis, la fermeture a eu lieu alors que nos finissant.e.s étaient en pleine réalisation de leur projet de fin d’études, qui consiste en un triptyque composé d’un collier, d’un bracelet et d’un autre bijou au choix, trois pièces uniques à travers lesquelles chacun.e peut s’exprimer et ainsi formuler un langage visuel, formel et conceptuel qui lui est propre. Ces pièces n’ont pas encore vu le jour, mais chacun.e a tout de même réalisé des dessins de présentation, qui nous laissent entrevoir ce que deviendront ces pièces.
IRIS MESDESIRS
Tout juste diplômée de l’École de joaillerie de Montréal, Iris Mesdesirs a vécu bien des vies, en France et ailleurs, avant de venir à Montréal. Son amour pour les langues étrangères l’a amenée à s’inscrire à l’Université Rennes 2, où elle a obtenu une licence LEA commerce international, puis à étudier à Taïwan pendant un an. De nature curieuse et touche à tout, elle s’essaye à d’autres activités comme la peinture, la couture ou encore le maquillage FX. Son intérêt pour le théâtre et la mode transparaît dans son approche de la joaillerie. En 2019, elle part au Sénégal avec l’organisme Toolbox Travel pour découvrir la joaillerie d’Afrique de l’Ouest.
Ma recherche s’articule autour d’une esthétique singulière et hybride, teintée de références aux mondes de la mode, du théâtre et des arts visuels et médiatiques. Je m’inspire aussi bien de créateurs contemporains, comme Alexander Wang, Jean-Paul Gaultier, House of Malakai, Ron Mueck et Iris Van Herpen, que d’éléments historiques, issus de l’époque médiévale (la cotte de maille), de l’Égypte ancienne (le plastron), des civilisations Étrusques (la granulation) ou de la Renaissance (la fraise). Mes bijoux convoquent l’imaginaire collectif par une hybridation stylistique. Ils sont anachroniques et chargés d’histoire, suggèrent l’avant-garde avec des accents futuristes, tout en évoquant l’apparat royal, le costume guerrier ou révolutionnaire.
Mon approche étant axée sur la multidisciplinarité, j’allie à la pratique de la peinture et de la construction certaines techniques de joaillerie traditionnelle comme la sculpture de la cire et coulée à la cire perdue. Mon goût pour le mélange des disciplines artistiques se matérialise par des emprunts à la sculpture contemporaine et au maquillage FX, notamment dans l’emploi du latex liquide pour la réalisation d’un masque-bijou au format éminemment sculptural et transgressif. Plutôt imposantes de par leurs dimensions, mes pièces sont ostentatoires et sensuelles, elles naissent du corps et en deviennent ses extensions.
Le concept de masque est important dans ma recherche. Il relève du théâtre, de la mode et du monde de la performance : dans l’idée du jeu théâtral, le masque permet de travestir son identité, de cacher ou mettre en valeur son corps. Il peut restreindre les mouvements, sublimer le port de tête ou découper des morceaux de peau pour le plaisir du spectateur. Ainsi, ma quête du Beau s’incarne dans des pièces que l’on revêt comme des bijoux-vêtements qui prolongent chaque partie du corps et le magnifient.
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LUCIE HOUVENAGHEL
Lucie Houvenaghel est diplômée de l’École de joaillerie de Montréal en 2020. Elle possède un parcours universitaire éclectique : deux années en Carrière Sociale, une licence en Histoire de l’Art à l’Université de Tours, ainsi qu’une autre en Communication à l’Université Nice Carlone, en France. Ce parcours a été ponctué par deux années sabbatiques, enrichies par un voyage en sac à dos axé sur la culture et l’art au travers de l’Asie du Sud-Est et par une expérience d’au pair dans une famille de Californie du Sud, aux États-Unis.
Je suis une artiste dont le domaine principal est la joaillerie. Chacun de mes bijoux est réalisé à la main, du grain de métal à la pièce finie. J’adapte ma création aux contraintes que m’imposent les matériaux que je choisis et j’aime réunir des opposés : rigidité et souplesse, poids et légèreté, opacité et transparence.
Je confectionne mes bijoux avec du métal de seconde main et j’y intègre des matériaux trouvés tels que le plastique à usage unique. Cette association est l’exemple même de ma manière de conceptualiser mon travail. J’ai besoin de trouver du sens dans chaque étape de la fabrication, de la récolte de mes matériaux jusqu’à leurs trouver un nouvel usage.
La notion de protection est essentielle et récurrente dans mon travail. L’inconfort vécu par certain·e·s dans leur propre corps est un moteur à ma volonté à créer. Tout comme le matériau m’impose ses contraintes, je questionne le·a porteur·se quant à la contrainte que ma création appose sur leur corps. S’agit-il d’un simple rappel de la présence de l’objet, par son poids, sa forme ? Est-ce confortable ? Ou non ?
Aussi, créer est une manière de se mettre à nu, montrer une partie intime du soi, son intériorité, c’est une façon d’exposer l’intérieur à l’extérieur, rendre l’intime public. C’est pour cela que mes pièces sont massives, protectrices, couvrantes.
Mes bijoux sont des objets, autoportants et autosuffisants, des petites sculptures, qui tendent à ne répondre à aucun besoin, mais plutôt à un désir de possession. Cette confusion entre l’utile et l’inutile est une recherche constante dans mon travail.
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JULIE WILLISTON
Originaire du Nouveau-Brunswick, Julie demeure rattachée à ses racines acadiennes et aux paysages sereins de sa terre-mère. Son intérêt pour la culture acadienne mène à l’obtention d’une Maîtrise en histoire acadienne de l’Université de Moncton en 2012. Au-delà de la joaillerie, sa pratique artistique inclut la danse contemporaine, la sculpture et le façonnage, ainsi que la mode. Expatriée à Montréal depuis 2012, elle découvre la joaillerie lors d’un cours au Centre des arts visuels avant d’entreprendre des études à l’École de joaillerie de Montréal. En 2014, elle fonde GunStreet Vintage et développe un goût pour l’entrepreneuriat. Elle s’apprête à lancer sa première gamme de bijoux sous la bannière Minuit (www.minuitmetal.com).
Fascinée par l’histoire que les objets portent en eux-mêmes, je privilégie les matières brutes, celles qui laissent transparaître leur vécu. Je laisse ainsi mon imaginaire construire un fil narratif par divers métaux, gemmes et objets trouvés. Par des techniques traditionnelles de joaillerie et d’orfèvrerie, je crée des sculptures qui peuvent être portées : des bijoux volumineux qui font rebondir la lumière et qui absorbent l’obscurité. Ma démarche incite un dialogue entre les formes organiques que je donne aux métaux et les autres matériaux que je choisis d’intégrer.
Mon travail actuel explore la théorie de l’évolution en tant que microcosme : comment l’individu s’adapte, se transforme, et évolue le temps d’une seule vie. Le cumul d’expériences forme une mémoire, une identité et une personnalité propre à chaque humain: je suis ce que j’ai été. L’expérience humaine figurant comme noyau à mon expression artistique, je veille à ce que chaque humain interprète mon œuvre à sa façon, tissant des liens entre son propre vécu et celui qui est raconté par le bijou.
Les bijoux que je propose partagent un code génétique. Ces bijoux deviennent une nouvelle espèce, ils communiquent les uns avec les autres, et racontent un récit qui sera transmis à quiconque leur tend l’oreille.
LOUIS STOCK-RABBAT
Né à Montréal, Louis Stock-Rabbat a complété un DEC en sciences humaines au Collège Dawson, tout en poursuivant des activités sportives à un haut-niveau, avant d’entreprendre des études en sociologie, à l’Université Concordia. En mi-parcours, il décide d’arrêter et de se tourner vers la joaillerie. Après s’y être initié au Centre des arts visuels de Westmount, il se joint au programme collégial de l’École de joaillerie de Montréal, comme étudiant à temps plein. Il venait de trouver sa voie. Sa passion pour le savoir-faire, le travail artisanal et manuel que demandent la création de bijoux, lui a permis, dans un premier temps, de réaliser tout son potentiel créatif pour ensuite le développer dans la joaillerie. Aujourd’hui, alors qu’il explore les technologies 3D, il continue de se perfectionner pour mieux maîtriser la joaillerie, le métier d’art entre tous.
Mes créations sont souvent inspirées par mes racines égyptiennes. Cette culture, très importante pour moi, me motive à pousser les frontières de ma joaillerie en gardant la simplicité d’origine Égyptienne au cœur de ma démarche. Je recherche des formes et motifs qui pourraient m’inspirer pour ma création. Avec ce thème en tête, je fusionne le passé avec le présent en conservant un style unique et classique.
Ces bijoux sont issus de mes recherches sur la joaillerie contemporaine afro-américaine, en combinaison avec des artefacts égyptiens. Ils combinent des influences modernes avec des symboles et images classiques de l’ancienne Égypte, afin de créer un style unique qui m’est propre tout en reflétant ces deux cultures riches en arts et en histoire. J’aime que mes bijoux aient un certain éclat.
La portabilité du bijou est, à mes yeux, un élément important de la joaillerie contemporaine américaine. Je conçois des bijoux que l’on peut porter et non des bijoux sculpturaux. La simplicité de fabrication est importante pour moi aussi bien au niveau de la conception que l’assemblage.
Mes inspirations sont souvent issues de la cyberculture et j’essaie, le plus possible, de concevoir des bijoux qui peuvent être réalisables selon ce que j’ai en tête. Avec la simplicité formelle de la culture afro-américaine et la richesse des matières propre à la culture égyptienne, on peut vraiment ressentir l’extravagance et le luxe, tout en reconnaissant mon style unique.
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ÉMILIE GAGNON
La création est une essence de vie pour Émilie. Jeune, c’est par le dessin, la peinture et l’écriture qu’elle s’exprime. Après des études en cinéma, théâtre et anthropologie, elle découvre le monde de la joaillerie à travers sa mère. C’est grâce à cette dernière qu’Émilie s’initie à la transformation du métal. Après un peu plus de deux ans dans le programme de formation continue de l’École de Joaillerie de Montréal, Émilie fait le grand saut vers la formation collégiale, jusqu’à l’obtention de son diplôme en 2020.
L’architecture, la sculpture et la géométrie sont à la base de mon inspiration. Les courbes, la symétrie et les lignes franches que j’y perçois s’imprègnent dans l’esthétique des pièces que je crée. C’est la complexité de la technique dans une esthétique simple qui guide mon esprit. Je tente constamment de repousser mes limites sans toutefois sacrifier cette esthétique. Chaque pièce créée est un autre défi technique relevé. Derrière un aspect minimaliste et épuré se cache un technique complexe et recherchée.
NATHALIE GROLEAU
Native de Montréal, Nathalie Groleau est infirmière de profession et mère de 4 enfants. Curieuse de nature et éternelle étudiante, elle renoue avec le plaisir d’apprendre à l’âge de 18 ans. De retour sur les bancs d’école, elle ne cesse de diversifier ses parcours scolaires. À la suite de l’obtention de son BAC en Science de l’université de Montréal, elle entreprend un deuxième DEC, offert conjointement par le Cégep du Vieux Montréal et l’École de joaillerie de Montréal. Diplômée en 2020, elle est fière de sa première collection : des reproductions d’artéfacts en bijoux portables inspirés par la populaire télé-réalité The Curse of Oak Island, diffusée sur History Channel. Elle distribue sa reproduction de la croix de plomb partout aux États-Unis depuis l’été 2019, sous sa marque de commerce Thalyna Jewelry. S’inspirant de ce qui la passionne, que ce soit en lien avec sa profession ou ses passe-temps, elle crée des bijoux nouveau genre, chacun d’entre eux possédant sa propre histoire.
L’inspiration de mes créations provient du corps humain. Passionnée par l’histoire et par l’infiniment petit, je tente de créer des bijoux portables, qui parleront à celui qui s’en portera acquéreur. Je ne laisse cependant aucun tabou ou barrière entraver ce qui deviendra une future création. Je tiens à prendre en considération ce qui plaira aux clients et qui laissera libre cours à leur imagination quant à l’interprétation de ce qu’ils perçoivent à travers mon œuvre. Je privilégie des matières nobles et durables, qui ne perdront jamais leur valeur au fil du temps.
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Photos de bijoux: Anthony McLean